L’ Ickabog :  Analyse d’un conte de fée moderne

L’ Ickabog :  Analyse d’un conte de fée moderne

[ANALYSE]

L’ Ickabog :  Analyse d’un conte de fée moderne

L’ Ickabog est un roman jeunesse écrit  par J.K Rowling,  édité le 10 novembre 2020. L’auteure, face à la pandémie de Coronavirus en 2020 , décida de ressortir cet ouvrage de ses cartons, qu’elle avait mis de côté pendant plus de 10 années (1). Elle choisit de finaliser ce livre qu’elle gardait secrètement chez elle et dont l’histoire, qui était alors inachevée, fut lue à ses enfants lorsqu’ils étaient encore petits. Au printemps 2020, J.K Rowling mit en ligne son œuvre sous forme de plusieurs publications à destination des enfants du monde entier (1). Elle les invita alors à participer à un concours mondial où les jeunes artistes devaient illustrer les temps forts de l’ouvrage (2). Au départ, j’eue une certaine réticence à lire ce livre. Peut-être par la peur d’être déçue du contenu face à la première œuvre magistrale de l’auteure : Harry Potter. Mais ma fille aînée me tannait tellement de lui conter cette histoire que je me suis dit pourquoi pas. J’ai donc décidé de faire abstraction de mes réticences et je me suis lancée. Et je n’ai pas été déçue. 

L’ickabog est un petit bijou pour les enfants à partir de 4 ans et ce jusqu’à 12 ans. Au-delà il faudra faire preuve de lâcher prise dans les prémices d’une lecture qui s’avère enfantine et décalée. Mais, si on se prend au jeu de l’auteure, J.K.Rowling, et que nous laissons notre côté “adulte” le temps de la lecture, le plaisir n’en sera pas moins délectable. Alors oui, ne vous attendez pas à une écriture identique à la saga Harry Potter car l’Ickabog  est avant tout un conte de fée. Ce n’est pas une série littéraire de fantaisie comme Harry Potter qui, elle, est plus destinée aux adolescents. Bien évidemment nous retrouvons par moment la même plume de l’auteure par brides interposées : un style d’écriture reconnaissable et propre à chacun ; une sorte de signature personnelle en quelque sorte. En effet, tout au long de cette histoire, nous sentons la propension de l’auteure à faire ressentir que, malgré la noirceur qui s’y dessine et s’y trame, en fin de compte, la lumière est toujours au bout du chemin.

J.K Rowling, comme tout auteur qui “change” de registre d’écriture, doit adapter sa plume aux stéréotypes qu’exigent la catégorie de l’ouvrage. On n’écrit pas de “fantaisie”, comme on écrirait un “conte”. Des règles s’imposent. L’Ickabog est donc un roman sous fond de conte de fée totalement imaginaire où l’on retrouve tous les stéréotypes des personnages légendaires : un roi égoïste qui se nomme Fred Sans Effroi, très aimé et admiré par son peuple qui vit un bonheur sans faille ; tout le monde est heureux, riche et gentil au royaume de Cornucopia ; du moins c’est ce qu’annonce l’auteure au début de l’histoire.  Ce roi, qui a toutes les caractéristiques d’un souverain qui ne peut se mettre à la place de ses sujets du fait de sa condition sociale exceptionnelle, de sa naïveté, de son goût luxueux des belles choses qu’elles soient culinaires, vestimentaires ou matérielles, est entouré de deux “amis” : Lord Crachinay et Flapoon ;  deux personnages qui vont être extrêmement antipathiques tout au long de l’histoire et qui vont jouer un rôle majeur dans la chute de ce royaume merveilleux. Comme toute histoire de conte de fée, il y a une légende, celle de l’Ickabog  : “ un monstre vivant dans le nord, dans les marécages, haut comme deux chevaux. Il a des boules de feu étincelantes à la place des yeux et de longues griffes acérées comme des lames…”(3) Bien évidemment, comme tout mythe, aucun des sujets du roi Fred, à part ceux vivants dans les marécages, ne croient réellement en l’existence de ce monstre. Et c’est ce qui fait la force de ce récit, car on ne sait pas s’il existe ou non, et pour le savoir il est nécessaire de lire l’ouvrage. Enfin, vous avez les protagonistes, ceux qui apportent une profondeur humaniste à l’histoire, des héros auxquels les lecteurs peuvent s’identifier : Daisy Doisel, jeune fille de la couturière en chef du roi Fred, et Bert Beamish, fils de la cuisinière en chef du roi Fred. Ils sont amis, comme des frères. Daisy, qui a un caractère bien trempé, est l’héroïne par excellence. Elle n’aime pas l’injustice. Quant à Bert, c’est le héros un peu gauche, naïf, et aussi légèrement influençable, qui se fait harceler car il est un peu trop gentil et corpulent aussi. Mais voilà comme tout conte de fée qui se respecte il faut un drame qui lance le fil conducteur de l’histoire et qui va conduire tout le royaume de Cornucopia à sa perte. La mère de Daisy va être retrouvée morte et c’est ce qui marque les prémices des tragédies à venir. Cette trame qui ressemble aux mises en scène théâtralisées et dramatiques que l’on retrouve en générale dans certains contes des frères Grimm, de Charles Perrault ou de Hans Christian Andersen (4) vient à casser le bonheur et la joie inconditionnelle qui sévit dans le royaume et provoque ainsi un chamboulement majeur dans son déroulement. Tout comme les contes, l’Ickabog de J.K Rowling a une morale, et l’histoire nous donne une leçon d’humilité, de tolérance, et de courage. 

En parcourant les pages et l’histoire de l’Ickabog j’ai particulièrement aimé les personnages masculins qui tirent irrémédiablement vers les stéréotypes classiques des méchants des contes traditionnels. Prenons l’exemple du roi Fred Sans Effroi, son but c’est d’être aimé, admiré de son peuple. Il ne prend pas en compte les besoins de ses sujets, puisque lui seul est important. Il est aussi très naïf et influençable et se fait berner facilement par Lord Crachinay et Flapoon, tous deux d’un machiavélisme à faire froid dans le dos.  Ils me font penser au prince égoïste transformé en bête de la Belle et la Bête (5) , avant qu’il ne soit maudit par un sortilège pour le punir de sa laideur  morale, ou aux deux demi-soeur de Cendrillon, d’une bêtise sans pareil dont l’une n’hésite pas à se couper le pied pour tenter d’enfiler la pantoufle de verre (4), ou à la méchante reine de Blanche Neige, qui ruse d’ingéniosité en se déguisant en sorcière pour faire manger une pomme empoisonnée à la jeune princesse  (4). 

Enfin, la construction de l’histoire est faite comme dans les contes traditionnels. Nous découvrons rapidement des personnages haut en couleurs, avec leurs particularités physiques et caractérielles uniques qui rythment l’histoire avec une pointe d’humour mais aussi de leçons et de tristesse. La lecture est facile, fluide, et assez détaillée pour représenter parfaitement le monde et les personnages que l’auteure a imaginé dans sa tête. Elle s’adapte facilement aux plus jeunes et l’auteure nous invite à nous plonger dans son univers. Un seul regret semble cependant se pencher à mon esprit, nous n’en savons pas assez sur l’Ickabog, et j’aurai aimé avoir peut-être un ou deux chapitres de plus pour nous conter plus en avant cette légende qui berce irrémédiablement ce conte.  Mais malgré cela on ne peut nier les faits, cette œuvre est attachante, entraînante et, dès les premiers mots vous partez en voyage : “Il était une fois, un tout petit pays qui avait pour nom la Cornucopia…”  Vous savez à cet instant que le merveilleux va s’inviter à votre lecture, que vous allez découvrir des personnages flamboyants et qu’ au final même si je ne vous dévoilerai pas la fin vous allez apprendre une leçon. 

Et parmi vous, qui pense le lire ? Si vous avez déjà arpenté les pages prodigieuses de l’ouvrage, qu’en avez-vous pensé… ? 

Emma, hibou de La Plume de Poudlard

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Sources  : 

1- L’Ickabog, gallimard jeunesse, 2020, page 10

2-l’Ickabog, Gallimard jeunesse, 2020 à partir de la.page 352. 

3-l’Ickabog, Gallimard jeunesse, 2020, 4e de couverture

4-  Charles Perrault, « Cendrillon ou la petite pantoufle de verre », Si les fées m’étaient contées, sous la dir. De Francis Lacassin, Paris, Omnibus, 2003, p. 47-51  et « La Belle au bois dormant », Si les fées m’étaient contées, sous la dir. De Francis Lacassin, Paris, Omnibus, 2003, p. 27-33

4- Jacob et Wilhelm Grimm « Blanche Neige », Contes pour les enfants et la maison, édités et traduits par Natacha Rimasson-Fertin, Paris, José Corti, coll. Merveilleux n°40, 2009, p. 295-306  et Jacob et Wilhelm Grimm « Raiponce », Contes pour les enfants et la maison, édités et traduits par Natacha Rimasson-Fertin, Paris, José Corti, coll. Merveilleux n°40, 2009, p. 80-85

4- La Petite sirène et autres contes-De Hans Christian Andersen- Traduction de Jacques privas-8 mars 2005.

5- La belle et la Bête, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, livre de poche, 9 mars 2017.

6- L’Ickabog, gallimard jeunesse, 2020, page 13

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