Harry Potter et l’Ordre du Mythe. Entre Mythe et conte de fées

Harry Potter et l’Ordre du Mythe. Entre Mythe et conte de fées

[CRITIQUE LITTÉRAIRE]

Harry Potter et l’Ordre du Mythe. Entre Mythe et conte de fées

Critique sur le fond :

Tous les mythes représentent-ils la même pièce de théâtre, avec la même intrigue et où seuls les costumes et les masques des personnages diffèrent en fonction du pays ou de la tradition ? Et si oui !, pouvons-nous affirmer que la saga Harry Potter est un mythe contemporain ? C’est du moins la question à laquelle tente de répondre Benjamin Van Liel dans son excellent ouvrage Harry Potter et l’Ordre du Mythe.

Pour tenter de répondre à cette question, l’auteur s’arme de concepts et théorisations empruntés à d’illustres mythologues telles que celle de Joseph Campbell. Celui-ci invente le terme de monomythe. Selon lui, tous les mythes ne sont que des variantes d’un mythe unique. Ce monomythe serait divisé en trois phases : le départ, l’initiation et le retour. Ces phases seraient elles-mêmes subdivisées en diverses sous-parties telles que l’appel de l’aventure, le refus de cet appel, l’aide surnaturelle, le chemin des épreuves, l’union au père, le don suprême… Or, nous retrouvons toutes ces phases du monomythe dans l’épopée potterienne.

Cependant, pouvons-nous affirmer pour autant que Harry Potter est un mythe contemporain ? L’épopée potterienne ne répond-elle pas non plus à certains critères du conte de fées ? Le mythe est par essence pessimiste, alors que le conte de fées est fondamentalement optimiste. Après tout, Harry Potter ne vainc-t-il pas au final le Seigneur des ténèbres, personnification du mal ? Ainsi, J.K. Rowling voulut délivrer un message d’espoir. Elle cherche ainsi à réenchanter le monde par la création de son univers magique.

Benjamin Van Liel fait avec nous le constat suivant : nous vivons à l’heure actuelle dans des sociétés modernes marquées par la volonté de tout expliquer de manière scientifique. C’est le règne du rationalisme. L’intellectualisation du monde est liée à la mutation des sociétés occidentales. Aussi, certains sociologues utilisent le terme de désenchantement du monde, ce qui a pour effet pervers d’ôter tout sens à l’existence, de tendre vers le nihilisme où rien n’a plus d’importance. Nous préférons la théorie du Big bang aux mythes cosmologiques de la création tels que l’ordonnance du monde par le Démiurge ou le récit de la Genèse. Lorsque l’esprit scientifique règne en maître au sein du champ de la connaissance, les mythes n’ont plus aucune raison d’être.

Et pourtant, nous rappelle Benjamin Van Liel, les mythes perdurent encore aujourd’hui. Depuis la nuit des temps, l’Homme a besoin de se laisser bercer par des récits, même lorsque ceux-ci vont à l’encontre de la raison. C’est sans doute ce qui explique en partie le succès de l’œuvre de J.K. Rowling. Elle a remis en avant dans son mythe contemporain le fait que les êtres humains, même les plus rationnels, ont besoin de ces fables au sein de leur construction identitaire. Ils doivent pouvoir s’échapper de leur réalité désenchantée le temps d’un roman, d’un film ou d’un songe éveillé. Il s’agit là véritablement d’un besoin anthropologique. Aussi, nous pouvons affirmer que le monde sans magie se sera éclairé à la lumière de la magie grâce au mythe potterien.

Critique sur la forme :

Nous avons été immédiatement séduits et emportés par l’aspect didactique et accessible du livre de Benjamin Van Liel. L’auteur nous emmène avec lui dans une histoire,  tel un professeur avec ses élèves. Son écriture est juste et témoigne d’une grande pédagogie. Benjamin Van Liel s’adresse directement à son lecteur et le fait participer, il l’inclût dans son discours et ne le prend jamais de haut, ce malgré la grande érudition dont il fait preuve dans son écriture. Nous assistons ainsi tout au long du livre à un dialogue tout en simplicité entre le professeur et son élève, usant parfois de termes très spécifiques au domaine abordé, mais avec toujours beaucoup de clarté et de références qui parlent à tous.

La lecture de son ouvrage est très agréable et suscite de belles réflexions. Benjamin Van Liel est parvenu à trouver un bel équilibre entre l’introduction d’éléments théoriques et la vulgarisation (au sens noble du terme). Toutefois, son ouvrage se veut rigoureux, respectant les conventions académiques de la méthode scientifique et cela se ressent à la lecture. Cet ouvrage cherche à faire la synthèse sur ce qui a déjà été écrit sur le sujet, comme en témoigne la très (très) longue bibliographie. Son livre est un beau condensé des différentes exégèses existantes.

Ainsi, Benjamin Van Liel ne se contente pas d’étaler sa subjectivité. Nous ressentons un réel travail en amont de sources et de recherches heuristiques. D’ailleurs, une blague d’universitaires dit que : la rigueur d’un ouvrage scientifique s’évalue aux nombres de notes de bas de page qu’il contient, car un bon scientifique doit pouvoir citer les sources pour chacune de ses phrases. Je puis vous certifier que le livre de Benjamin Van Liel respecte rigoureusement cette convention, certaines notes de bas de page prenant parfois plus de place que le corps du texte lui-même. Je pense même qu’il n’y a pas une seule phrase dans son livre qui ne fasse pas l’objet d’une référence (certaines phrases contiennent même parfois plusieurs notes de bas de page — un régal pour les académiciens).

Toutefois, le livre de Benjamin Van Liel ne se réduit pas à un simple ouvrage universitaire. Il est parvenu à trouver ce juste équilibre entre rigueur scientifique et subjectivité nécessaire à la construction d’un discours. Son étude témoigne d’une recherche bibliographique, mais aussi d’une réflexion personnelle tout à fait pertinente. L’auteur nous guide sur un chemin déjà balisé par de nombreux théoriciens, mais dont les liens ne sont pas toujours évidents pour un non averti. Or, le but de Benjamin Van Liel est de nous faire prendre conscience de la richesse de l’une des œuvres la plus appréciée en traduisant simplement le discours spécifique aux philosophes, sociologues, anthropologues, mythologues, psychologues (et autres titres au suffixe par -ogue) pour les rendre accessibles. Ainsi Benjamin Van Liel se sert en quelque sorte de l’œuvre de J.K. Rowling pour nous parler de philosophie, de mythologie, de sociologie et cetera. Astucieux n’est-ce pas ? Comment apprendre tout en s’amusant 😉 Je vous le disais, son livre fait preuve d’une grande pédagogie. À découvrir sans plus tarder !

Moony, Plume de La Plume de Poudlard

Titre : Harry Potter et l’Ordre du Mythe

Auteur : Benjamin Van Liel

Maison d’édition : L’Harmattan, Paris

Catégorie : Livre d’exégèse

Durée : 204 pp

Année : 2021

Langue : Français

Note de la rédaction : 8/10

Lien : https://bit.ly/3ooCfEQ 

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