[CRITIQUE LITTÉRAIRE]
L’enchantement Harry Potter. Psychologie de l’enfant
Vous rappelez-vous le temps où vous lisiez en boucle les trois premiers tomes de la saga Harry Potter dans l’attente d’un quatrième livre dont vous espériez qu’il répondra à toutes les questions que vous vous posiez ? Et vous souvenez-vous du choc éprouvé en lisant la fin traumatisante de La Coupe de Feu ? Sans doute avez-vous relu — pour être sûr d’avoir bien compris — une bonne dizaine de fois le passage où Cedric s’est vu dérober sa jeunesse, emportant avec elle votre enfance ? Êtes-vous en mesure de vous remémorer l’intense émotion qui s’est emparée de vous lorsque vous avez assisté, à travers les yeux de notre jeune sorcier à lunettes, à la résurrection de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-(et qu’aujourd’hui encore nous n’osons pas)-Prononcer-Le-Nom ?
C’est précisément l’expérience que nous vous proposons de refaire en lisant le petit ouvrage du psychologue Virole Benoît, L’enchantement Harry Potter. La psychologie de l’enfant nouveau, sorti en 2001 alors que le quatrième tome de la saga Harry Potter apparaît en librairie, révélant tous ses secrets aux lecteurs et suscitant encore plus d’interrogations qu’elle n’en résout. C’est un bond dans le temps que nous vous invitons à faire.
L’identité visuelle de la licence n’est alors pas encore exclusivement gérée par Warner Bros. Aucun film n’est encore venu grignoter le paysage imaginaire de l’enfant qui est alors entièrement libre d’imaginer ses personnages préférés comme il l’entend. Virole tente alors de comprendre les raisons de ce succès. Celui-ci ne peut pas être exclusivement le fruit d’un emballage marketing extrêmement bien pensé et construit, car le premier tome ne doit son succès qu’à lui-même.
J.K. Rowling a incontestablement su parler à son lecteur. Elle est parvenue à saisir le train en marche d’une véritable révolution dans la façon de lire d’une nouvelle génération en attente d’un nouveau genre. Elle a su lui plaire en proposant un style alerte d’écriture, une prédominance de l’action, un déroulement rapide d’énigmes, une pluralité des personnages et une invariance du cadre temporel et spatial de l’histoire.
Mais plus encore. J.K. Rowling offre à son lecteur, sous le couvert d’un roman d’aventures pour la jeunesse, un véritable récit initiatique et mythique adapté au style de pensée des enfants d’aujourd’hui. Virole nous explique qu’il s’agit d’une initiation au monde adulte auquel l’enfant se prépare par la lecture, acte qui prend toutes les fonctions d’un rituel de passage symbolique de l’enfance à l’adolescence pour se préparer à l’âge adulte. La saga Harry Potter, comme tout mythe initiatique qui se respecte, permet d’adopter l’avenir par la compréhension du passé et en faisant supporter, par la magie, les épreuves du présent.
Virole cherche au plus profond de la psychologie de l’enfant les raisons de cet attachement aux aventures de ce petit sorcier orphelin. Il découvre que la force de ces romans se trouve dans l’aspect pédagogique de ceux-ci. Ces livres contiennent un message d’une grande portée anthropologique. En effet, Virole écrit que les actes magiques réalisés par Harry témoignent de la potentialité de chaque enfant à créer un monde différent de celui de ses parents, à la fois au travers de la rivalité œdipienne du meurtre symbolique du père (Harry accepte son état d’orphelin), mais aussi à travers la création de nouvelles valeurs.
Le petit ouvrage de Virole est à la fois léger et très touchant par l’intervention ponctuelle de petites réflexions d’enfants, loin d’être aussi enfantines que nous pourrions l’imaginer, aux sujet des livres Harry Potter. Nous retiendrons l’une d’elles qui a su répondre avec fraîcheur et justesse aux mots de Bettelheim : « L’enfant a besoin qu’on lui parle des événements de tous les jours, mais en les situant dans un lieu qui est le royaume de l’imagination » ; à cela, Florent, 12 ans, nous dit : « Dans Harry Potter, l’école, ça ressemble à l’école, mais c’est pas l’école. »
Et vous, quels furent vos mots d’enfants pour exprimer toute l’émotion qu’éveilla en vous la première lecture des romans d’Harry Potter ?
Moony, Plume de La Plume de Poudlard
Virole Benoît, L’enchantement Harry Potter. La psychologie de l’enfant nouveau, Paris, Hachette Littératures, 2001.
Titre : L’enchantement Harry Potter. La psychologie de l’enfant nouveau
Auteur : Virole Benoît
Maison d’édition : Hachette Littératures, Paris
Catégorie : Livre d’exégèse
Durée : 114 pp
Année : 2001
Langue : Français
Note de la rédaction : 6/10
En quelques mots : L’intérêt que nous portons à ce livre réside dans le fait qu’il ait été publié alors que la saga Harry Potter n’avait pas encore révélé la moitié de ses secrets et qu’aucun film n’était sorti. Il est donc plaisant — pour nous autres éternels nostalgiques de cette époque d’innocence — de nous replonger dans cet état d’attente et de questionnement sur le succès de cette œuvre. Il est par ailleurs amusant de lire que Virole espérait, de la part des exigences commerciales, que celles-ci puissent servir de régulateurs contre la morbidité accrue présente dans l’écriture de Rowling. Inutile de préciser qu’elles en furent totalement incapables à la vue des nombreuses pertes que subirent les personnages à la fin du septième tome.
Lien : https://www.amazon.fr/Lenchantement-Harry-Potter-psychologie-lenfant/dp/2884490620