Harry Potter à l’école des sciences morales et politiques

Harry Potter à l’école des sciences morales et politiques

[CRITIQUE LITTÉRAIRE]

Harry Potter à l’école des sciences morales et politiques

Vous rappelez-vous du temps où c’était aux enfants d’instruire leurs parents sur les arcanes du récit potterien ? Aujourd’hui, il fait partie de ces œuvres que les parents transmettent à leurs enfants, rejoignant la postérité des innombrables contes et mythes d’éducation. Ainsi est venu, pour Harry Potter, le temps de la mémoire et de la réflexion. Il ne s’agit plus de découvrir ce mythe moderne, mais de le comprendre.

C’est du moins ce que tente de faire le grand linguiste Jean-Claude Milner, spécialiste en philosophie politique, à travers son ouvrage Harry Potter à l’école des sciences morales et politiques. Il s’est penché sur le phénomène Harry Potter qui représente, selon lui, une source contemporaine importante de valeurs morales et politiques indispensables pour faire société. Nous lui devons par exemple l’invention du terme récit potterien et désigne la saga Harry Potter comme l’un des récits d’éducations civiques modernes les plus marquants.

Selon Milner, tout roman d’éducation politique passe par une éducation sentimentale. Le lecteur y découvre comment les sentiments de l’enfant deviennent progressivement des sentiments d’adulte. Le héros se transforme donc au fil des découvertes, abandonnant une à une les illusions de l’enfance.

Cette progression commence généralement par une phrase adressée au héros qu’il ne comprend pas sur le moment. Son éducation consiste donc à mieux en saisir le sens. Selon Milner, cette phrase serait, dans le récit potterien, celle articulée par Hagrid lors de l’introduction du jeune Harry au monde de la magie : « Tous les sorciers ne sont pas bons ». Au fil des années, Harry croit saisir le sens ultime de cet avertissement, mais il apparaît que sa compréhension demeure partielle. Les romans sont ainsi rythmés par des révélations toujours incomplètes, mais de plus en plus proches de la vérité.

Au commencement, Harry n’y voit qu’une mise en garde. Il raisonne encore en enfant. Il interprète cette phrase à la simple inimitié qu’il peut exister entre deux sorciers, comme entre Drago et lui. Mais il comprend progressivement que certains sorciers sont foncièrement mauvais. Harry devient adolescent. Il découvre un mal qui dépasse tout ce qu’il peut imaginer à son âge : le quête du pouvoir. Milner nous dit que « Celui qui cherche le pouvoir en fait sa valeur suprême, rien ne demeure alors : ni amour, ni amitié, ni simple humanité ». Voldemort incarne cette négation de l’amour. Il est démuni de toute humanité.

Le jeune Harry est alors tenté de penser que Voldemort est voué à mourir, comme cela s’est vu dans le passé. Tous les sorciers ne sont pas bons, certes, mais les bons l’emportent toujours sur les méchants ! Du moins, c’est ce que le jeune sorcier conclut dans un premier temps. Mais une fois de plus, la réalité est plus nuancée que cela. Pour se libérer de cette interprétation naïve, Harry doit cesser de minimiser la violence du mal qui menace le monde des sorciers. Il ne s’agit en effet pas seulement de la plus ou moins grande méchanceté de tels ou tels individus, mais d’un choix entre plusieurs visions ou doctrines de la société. Cela s’appelle la politique. Ainsi, l’essentiel du parcours initiatique d’Harry consiste à élucider l’avertissement de Hagrid. L’adolescent devient adulte.

Tout n’est que politique. Dans un monde sans magie, l’action politique consiste à savoir : comment faire pour que l’individu, faible et démuni par lui-même, obtienne des droits et des pouvoirs contre la violence ? Dans le monde de la magie, ce constat s’inverse. Il s’agit de savoir : comment faire pour que des droits et des devoirs publics soient maintenus, alors que l’individu dispose à lui seul de pouvoirs tels qu’ils peuvent rendre inefficace toute espèce de règles ? À cela, Milner offre une réponse universelle : l’éducation civique. L’école, telle que Poudlard, apparaît comme la seule institution qui a un véritable impact sur la société de demain. Elle seule est en mesure de préserver un semblant d’équilibre entre pouvoir et devoir, entre liberté (individuelle) et responsabilité (civique).

Et vous, êtes-vous de ceux qui ont grandi avec Harry Potter, découvrant au fil des romans ou des films les valeurs telles que l’amour, le courage ou la loyauté ? Avez-vous pris conscience de l’importance de peser chacun de vos actes et de vos choix ? Car comme nous dit Dumbledore : « Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment », or tout choix est avant tout politique.

Moony, Plume de La Plume de Poudlard

Milner Jean-Claude, Harry Potter à l’école des sciences morales et politiques, Paris, Presses universitaires de France, 2014.

Titre : Harry Potter à l’école des sciences morales et politiques

Auteur : Milner Jean-Claude

Maison d’édition : Presses universitaires de France, Paris

Catégorie : Livre d’exégèse

Durée : 192 pp

Année : 2014

Langue : Français

Note de la rédaction : 8/10

En quelques mots : il s’agit d’un excellent livre qui se lit très facilement dans un langage fluide et accessible. Il parle à tous les publics. Il intéressera autant les spécialistes que les fans simplement curieux d’en savoir plus sur son héros préféré. Ce livre est structuré selon sept parties (tout un symbole ce nombre) qui abordent sept thèmes avec simplicité et cohérence. Petit bémol, l’auteur a fait le parti pris de ne se baser que sur les films Harry Potter et non sur les livres, mais cela n’enlève en rien à la qualité de l’ouvrage qui, selon nous, est une référence dans la sphère potterhead.

Lien : https://bit.ly/33wEH0W

Rejoignez la discussion

Devenez contributeur

En devenant “TIPEUR” de La Plume de Poudlard, Vous allez être au cœur de l’action en nous suivant au plus près. Bénéficiez de contreparties exclusives et devenez acteur de cette aventure !