[ANALYSE]
Harry Potter Inspirations ou similitudes Tolkienesque
2ème partie : Espoir-désespoir & Lumière/Obscurité.
Après nous être attachés précédemment, dans l’analyse introductive, aux auteurs J.K Rowling et J.R.R Tolkien, au fil conducteur de leurs ouvrages, ainsi qu’à l’aspect identitaire de leurs inspirations, nous allons donc poursuivre dans cette seconde analyse, avec une des notions fondamentales de leur deux oeuvres magistrales : l’espoir. Mais cet espoir qui transparaît au fur et à mesure que l’histoire prend vie, et qu’elle se complique, est mise en déroute face à la noirceur dont vont être victimes les protagonistes. Pour ce faire, les auteurs utilisent à la fois les mots aux travers d’usages de style, de métaphores, de descriptions, de lieux, pour mettre en scène des personnages complexes, ambigus avec leur propre histoire trouble qui sont du côté du bien ou du mal.
En effet les deux auteurs ont su créer des personnages ambivalents, qui se balancent lentement entre la lumière et l’obscurité. Ces personnages sont au premier abord des individus que l’on n’apprécie guère de par leur comportement sournois, leur arrogance, leur antipathie qu’ils dégagent. Ils savent tour à tour flatter et manipuler à leur guise leur entourage, pour mieux servir leur dessein. C’est le cas de Severus Rogue, pour Harry Potter, et de Grima (plus communément Langue de Serpent) pour le seigneurs des anneaux, tous deux du côté du mal. Au-delà de leur apparence filmographique qui est quasi identique, cheveux filandreux, teint pâle, sombre, voix sifflante, ils sont malins, manipulateurs et intelligents. Or à la toute fin de leur histoire respective, tous deux trahiront leur maître et participeront à leur déchéance rétablissant ainsi la lumière. Même si Severus Rogue cherche plus à se venger mais aussi à trouver une sorte de rédemption bien plus que Grima, qui tuera son maître Saroumane en lui tranchant la gorge, ils n’en restent pas moins antipathiques et détestables par moment. Et c’est ce qui fait la force de ces deux univers, une opposition constante entre le bien et le mal qui s’affrontent continuellement tout au long des œuvres, sous différentes formes que nous allons vous présenter.
D’un point de vue général, leur histoire aussi disparate qu’elle puisse être, en première lecture comporte quelques similitudes. La plus importante étant la dualité qui existe perpétuellement entre le bien et le mal, entre la lumière et l’obscurité, entre la sécurité et le malheur. Un des protagonistes de la saga Harry Potter, Albus (blanc en latin) Dumbledore résume bien en une phrase cette dualité ou il dresse l’espoir que la lumière peut être trouvée dans les moments les plus sombres : “ On peut trouver le bonheur, même dans les moments les plus sombres, il suffit de se souvenir d’allumer la lumière” . Il en est de même pour le Seigneur des anneaux de Tolkien, lorsque Gandalf s’adresse à Frodon qui perd espoir, dans les mines de la Moria, il tente de lui dire que le mal n’est pas seul, que le bien peut triompher et qu’il ne faut donc pas se laisser aller à perdre espoir, même si tout semble impossible : «il y a d’autre force à l’oeuvre dans ce monde, à part la volonté du mal.»
Mais cette dualité se ressent également au sein même du fil conducteur initial qui est sensiblement identique sous le fond, entre les deux œuvres. En effet, les deux auteurs nous narrent l’histoire d’une guerre entre deux “communautés” dont l’une est issue du bien et l’autre du mal. De cette histoire va émerger un affrontement intense entre l’espoir et le désespoir, qui petit à petit va atteindre un paroxysme et où le lecteur sent que la fin approche. De ce paroxysme le lecteur va, à travers ces oppositions, s’interroger sur la finalité de l’ouvrage : lequel du bien ou du mal remportera la bataille ? Les auteurs réussissent alors un tour de maître (ou de magie), celui de nous laisser dans le doute permanent, dans le doute de ne pas savoir ce qui en résulte au terme de l’histoire. Cependant, au final, à la toute fin, après toutes ces épreuves, vécues par les protagonistes, le lecteur comprend que rien ne sera plus jamais comme avant : c’est comme mettre en brillance la dualité existante entre la noirceur et la lumière, entre la liberté ou l’anéantissement de tout ce que les protagonistes ont vécu ou vont vivre.
J.K Rowling, elle, met en scène l’histoire d’un jeune garçon, Harry Potter qui va devoir détruire un sorcier maléfique, puissant, qui a séparé son âme en 7 parties ; ce jeune héros va devoir accepter sa destinée même s’il sera à jamais changé. Son innocence sera perdue, il devra à jamais vivre avec sa part d’ombre, notamment la ressemblance qu’il peut avoir avec son ennemi et l’accepter du fait que celui-ci aura une partie de l’âme de son pire ennemi enfouie en lui. Cet ennemi se nomme Lord Voldemort, il est sournois ; il s’insinue dans l’histoire (et les personnages), comme un serpent attendant le bon moment pour mordre. On ne le voit pas sous sa forme “réelle” avant le tome quatre de la saga : Harry Potter et la coupe de feu. Lord Voldemort est dépourvu d’amour, alors qu’Harry, lui, est empreint d’une humanité et d’une empathie profonde, puisqu’il pardonnera à Severus Rogue, son professeur de potion qu’il déteste, son animosité envers lui et il finira par l’honorer, comprendre qui il était, en donnant son prénom à un de ses deux fils bien plus tard.
Tolkien, quant à lui, met en scène l’histoire d’un jeune Hobbit qui va devoir trouver un moyen de détruire un anneau maléfique, appartenant à un certain Sauron, que l’on ne voit jamais physiquement, hormis sous la forme d’un grand oeil qui voit tout. C’est le mal à l’état pur, invisible, sournois qui s’insinue progressivement en chaque être pour corrompre l’âme du porteur de l’anneau. Toutes les aventures, mises en scène prodigieusement, concernant la Terre du Milieu (Le silmarillion-Le Hobbit-Le seigneur des anneaux), ne sont pas sans rappeler certains faits historiques. Nous savons que J.R.R Tolkien a puisé son inspiration, dans la mythologie, la religion, l’histoire mais également qu’il a été influencé par les horreurs des deux guerres les plus meurtrières que l’histoire ait vécu. Il a mis en scène des monstres inhumains, capables des pires horreurs, et relayant quelque part le fanatisme Aryen qui est monté en puissance progressivement à cette époque. De même l’attrait mystérieux, symbolique, voir Mythique ou le bien et le mal ne font au finalement qu’un, puisque celui-ci peut s’insinuer en n’importe qui, reste bien présent dans son oeuvre.
Il en est de même pour J.K Rowling, qui admet aussi qu’elle fut influencée par les contes et légendes, la mythologie, les auteurs classiques et contemporains, sans citer Tolkien. Mais nulle doute que la montée en puissance du fanatisme et du terrorisme des grandes guerres, tout comme les drames vécus au début des années 2000, aient influencé la création de la communauté des mangemorts qui voue une allégeance de soumission extrême à Lord Voldemort, tout comme la non pitié, l’intolérance envers les Moldus et les sorciers qui ne seraient pas de sang ”Pur”. Sur ce point, elle rejoint J.R.R Tolkien.
Mais au-delà de tout cela, que ce soit JK.Rowling et J.R.R Tolkien, ces deux auteurs ont su créer un univers riche en lieux emblématiques qui apportent également sécurité ou malheur aux personnages principaux. Il y a jusque dans la conception dite “visuelle” ou “imaginaire” du lecteur, cette dualité entre lumière et obscurité.
En effet, dans l’œuvre “Harry Potter”, apparaissent tour à tour des lieux où il fait bon vivre, où la sécurité est de mise, où les personnages peuvent se ressourcer en toute confiance, se sentir en sécurité, comme illuminés par une aura protectrice.
Nous trouvons donc Poudlard, que Harry Potter considère comme son chez lui, sa véritable maison, où il est en sécurité, Le terrier où il trouve en la famille Weasley une véritable famille qui l’aime et le protégera tout au long de sa quête. Nous découvrons aussi le chemin de traverse et ses nombreuses boutiques lumineuses, symboles de la belle sorcellerie… Dans les descriptions tout semble lumineux, sécuritaire qui sont bien représentés dans les films au niveau des prises de vue et de la conception des décors. Les personnages y vivent principalement des moments de joie, même si au fur et à mesure que la “renaissance” de Voldemort se profile, elle assombrit petit à petit les lieux, comme pour les confiner dans une sorte de noirceur qui va fatalement, et insidieusement, corrompre cette luminosité, atteindre chacun des personnages. J.K Rowling met face à ces lieux protecteurs des endroits plus sombres. Le lecteur découvre au fur et à mesure de ses lectures des lieux plus “noirs”, en proie aux doutes et à la peur. On y découvre la Forêt interdite, présentant des dangers immuables, comme d’immenses Arachnides et diverses créatures dangereuses. J.K Rowling met en scène le manoir des Malefoy qui s’oppose à la luminosité de Poudlard et l’allée des embrumes à celle du chemin de Traverse. Ces lieux présentent l’un et l’autre l’univers des Mangemorts, sombre, inquiétant, stressant, oppressant. Mais ces lieux sont également en dualité, dans leur noirceur, de la lumière survient ; prenons l’exemple simple de Drago Malefoy qui se refuse à dévoiler l’identité de Harry Potter lors de sa capture ; de l’aide apportée par Dobby….
Dans l’univers de J.R.R Tolkien, cette dualité est identique, nous trouvons des lieux tels que Fondcombe fief des Elfes d’Elrond, qui pourrait être associé à Poudlard, et qui est un des rares refuges pour eux (la lothorienne est aussi un refuge où le temps n’a pas d’emprise, et où les personnages découvrent des arbres aux feuillages d’or et d’argent) pour les protagonistes. Cette dualité crée un rempart, un endroit où il fait bon se reposer, être protégé et d’où part véritablement la quête des Héros. C’est en quelque sorte le berceau de la lumière de l’œuvre de Tolkien, que les Nazgûl n’arrivent pas à envahir, ni les orques, ni les gobelins. Au delà de Fondcombe, Tolkien y décrit le fiefk ancestral du Gondor, Minas Tirith, où tout n’est que lumière et où il met en évidence un arbre blanc, l’arbre des rois Numénoréen, qui symbolise l’espoir et la lumière des Valars. De part ces descriptions qu’il en fait par la vision du personnage de Pippin, on comprend la magnificence du lieu. Mais ce lieu est mis face à sa jumelle Maléfique Minas Morgul, symbole de la corruption du mal, qui anéanti la lumière et l’espoir (la tour de la magie Noir ou résidait autrefois le Roi de Numénors, avant d’être corrompu par le roi sorciers et utilisé comme lieu de résidence des Morgul). Même si au cours de l’histoire, Minas Tirith va être assombrie par le siège des troupes du Mordor, elle n’en reste pas moins lumineuse et symbole d’espoir où la résistance et la première victoire réelle contre le mal à lieu. Le visuel graphique des films de Peter Jackson explore en profondeur ces dualités entre les lieux. Il en est de même avec la Conté, où il fait bon vivre, pays des Hobbit, des êtres bons, aimant la vie, la nature, mis face au Mordor, le fief de Sauron, où tout n’est que désert et étendue aride, qui compte des monstres dont le seul désir est d’obéir à leur maître Sauron qui était lui-même le serviteur de Melko (Morgoth). Morgoth était le premier Valar des ténèbres, le plus puissant parmis les quinze qui furent à l’origine du Monde. Il avait pour frère Manwë, le deuxième Valar le plus puissant. Manwë était le dieu de l’air du vent et des aigles. Il symbolisait la lumière, alors que son frère Morgoth symbolisait les ténèbres. Nous savons que tout au long des récits de la terre du milieu, les aigles n’auront de cesse d’intervenir pour aider les protagonistes, du côté du bien, de la lumière. Cette dualité entre les deux frères, d’un côté l’un bon, l’autre mauvais est donc inscrite à l’origine du monde créé par Tolkien, créant ainsi deux faces d’une même pièce.
Il est judicieux d’observer finalement qu’une similitude est palpable dans la mise en place de ces deux univers, même si comme nous l’avons vu précédemment, l’univers de J. K Rowling n’a pas la même destination en termes de lectorat que l’univers de J.R.R Tolkien lorsque les ouvrages sont sortis. Mais face à cette noirceur qui s’insinue progressivement dans l’accomplissement du devoir, du destin, des deux protagonistes de ces deux auteurs, vont se dresser des personnages haut en couleur et quelque part lumineux, en leur apportant réconfort, soutien et aide, mettant en avant, l’amitié, l’amour, la famille. Cette part de luminosité montre que si l’humanité est soudée, elle peut remporter toutes les batailles quelles qu’elles soient. Oui les auteurs mettent en scène, une histoire complexe, où la mort côtoie la vie, où la lumière est assombrie par des événements immuables, mais la force de ces récits, c’est la philosophie qui en découle.
“Dans le monde il n’y a pas d’un côté le bien et le mal, il y a une part de lumière et d’ombre en chacun de nous.Ce qui compte c’est celle que l’on choisit de montrer dans nos actes, ça c’est ce que l’on est vraiment.” telle est la phrase philosophique et culte du parrain de Harry Potter, Sirius Black, envers son filleul.
“Au revoir Frodon Sacquet, Je vous offre la lumière d’Elendil, notre étoile bien aimée d’Earendil.
Puisse cette lumière vous éclairer dans les endroits sombres où toutes les autres seront éteintes.” telle est également une phrase pleine de sens et d’espoir que lance Galadriel à Frodon, quand il quitte La Lorien.
La lumière sera finalement plus importante et l’emportera face à la noirceur de ce que vont vivre les protagonistes ; elles se côtoient et ne peuvent être dissociées l’une de l’autre alors autant l’accepter et ne pas se laisser abattre. Il est étrange, que malgré les décennies qui séparent ces deux œuvres, il y ait tant de ressemblances.
Est-ce que J.K Rowling s’est inspirée un peu de l’univers de Tolkien ? On ne le sait pas, elle ne le dévoile pas. Cependant dans le prochain article nous tenterons d’en savoir plus sur les inspirations ou similitudes qu’il peut y avoir entre les deux univers.
Emma et Moony de la Plume de Poudlard.
Sources :
Harry Potter, Gallimard tome 1 à 7, 1997-2007
Le seigneur des anneaux tome 1 à 3, livre de poche, édition 1954-1955
Le Hobbit, 1937, livre de poche
Le Silmarillon (juste citation), 1977, édition à titre posthume
Oeuvre cinématographique : harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, 2004
Oeuvre cinématographique : Le seigneur des anneaux, la communauté de l’anneau,2001
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