[ANALYSE]
Harry Potter Inspiration ou similitude Tolkienesque : 3e partie : la nature, rempart indéniable et salvateur
Il n’y a rien de plus important pour un auteur que l’écriture et la conception d’un univers atypique, permettant à chacun de s’exprimer sur des valeurs qui lui sont propres. Lorsque nous écrivons nous pouvons commencer à concevoir une histoire sur une thématique qui nous tient à cœur, sur un fil conducteur qui va bercer tout au long de l’histoire le lecteur (ou le spectateur si celle-ci est transposée à l’écran). Cette histoire peut être influencée par la mythologie, par l’histoire de l’humanité, ses légendes et mythes, par sa propre vie, son entourage, son expérience…. C’est au départ une idée, qui émerge et de cette chimère va naître une multitude de personnages complexes, qui vont évoluer au sein d’univers, de lieux et de thématiques qui se mêlent et s’entremêlent sur un fil qui va unir les protagonistes et les antagonistes. Pour J.K. Rowling comme pour J.R.R Tolkien, comme nous l’avons vu en introduction puis dans une première analyse, l’espoir fut la partie dominante de leur écriture. Mais au-delà de cet espoir, de cette notion de lumière mise à mal par des forces obscures, ils ont su créer un univers incommensurable qui perdure bien au-delà de leur écrit. De cet univers où nous savons qu’ils ont puisé leur inspiration dans la mythologie, leur vision du monde, l’histoire, les contes, et dans les idées d’autres auteurs, nous constatons qu’ils ont conçu une véritable civilisation composée d’une nature qui a sa propre logique, qui devient au fur et à mesure un rempart indéniable et salvateur pour leurs héros. Mais face à cette nature, se dressent des machines, des êtres immondes, qui vont fatalement mettre en déroute les protagonistes et le bien fondé de leur quête.
Dans l’ensemble des deux œuvres, nous trouvons une nature dominante, impressionnante à caractère magique ou du moins représentée avec une force indéniable et miséricordieuse, voire même par une force inégalable. Chacun des deux auteurs s’est inspiré de la nature existante, certes, mais a également créé ses propres composantes de façon magistrale. On notera aussi une profonde inspiration dans les mythes et les légendes de l’antiquité et du Moyen âge tels que les sirènes, les dragons, les licornes, les elfes, les plantes et leur vertue.
Pour Tolkien, la nature se nomme “Terre du milieu” et englobe tout un univers qui lui est propre puisqu’elle est vivante et agit comme un personnage à part entière. Elle est attachante, puissante et a sa propre logique, sa propre façon de vivre et d’interagir dans l’histoire. Elle est intelligente, peut prendre des décisions et donner du corps au récit. Elle peut mettre en déroute les personnages, les aider aussi. Elle englobe tous les éléments liés à la terre, les animaux, le ciel, l’espace. Les descriptions qu’en fait l’auteur nous permettent de nous la représenter sans y être réellement, mais on a cette sensation de l’avoir parcouru, d’y être allé, d’avoir arpenté chacun des lieux emblématiques qu’il a décrits. Nous pouvons prendre l’exemple de la montagne de Caradhras qui bloque volontairement l’ascension de la communauté qui est obligée de faire demi-tour pour prendre un autre chemin vers les mines de La Moria à cause de la neige, ou bien le fait que grâce aux aigles qui viennent en aide à Gandalf, celui-ci peut s’échapper de l’emprise de Saroumane, du ciel qui s’assombrit, de l’assèchement de la terre ou du déchaînement des rivières. Tout ceci montre une nature vivante, qui reflète les émotions de l’auteur.
Pour J.K.Rowling, la nature n’est pas immédiatement mise en avant, car elle fait partie intégrante du monde magique, de cette société différente du monde des moldus. On ressent qu’elle n’a pas besoin de protection réelle, de loi, hormis pour les dragons et les licornes puisqu’elle fait partie intégrante de l’univers des sorciers, contrairement au monde Moldus qui lui, recèle encore et encore des règles pour exploiter la nature. Ce qui est frappant c’est la visite au Zoo de Harry dans le premier Tome, Harry Potter à l’école des sorciers, il y rencontre un serpent, élevé en captivité, sa chouette sera toujours en cage quand il sera chez les Dursley. Or dans le monde des sorciers, les animaux vivent sans “cage”, les sorciers n’exploitent pas les animaux. Cependant JK Rowling nous dépeint de manière exacerbée la cruauté humaine et son besoin de contrôle et d’exploitation de la nature au travers des Gobelins. Les Gobelins sont des vils créatures dans l’univers d’Harry Potter qui travaillent à la banque Gringotts et représentent la part la plus sombre de l’humanité. En son antre se terre un dragon pansedefer Ukrainien qui garde les coffres les plus précieux. Nous découvrons ce dragon dans le dernier tome de la saga Harry Potter, enfoui dans les profondeurs de Gringotts. Il est aveugle à force d’être dans le noir, exploité par les Gobelins en le soumettant par “dressage” à leur obéir : dès qu’il entend le son d’une cloche il sait qu’il doit s’éclipser sinon il aura mal. Mais, lorsque le dragon est libéré par Hermione et que celui-ci se défait de ses geôliers, JK Rowling nous montre alors que la nature reprend toujours ses droits sur la domination des Hommes avides de richesse et de pouvoir. Elle est décrite ainsi comme merveilleuse ayant sa propre logique, sa propre “magie”.
Dans les deux œuvres, cette nature est dotée d’intelligence, elle est sensible, mais pas sauvage. Elle vit dans des sociétés organisées et comme toutes sociétés a donc des valeurs et ces valeurs peuvent être bonnes ou mauvaises
De cette nature, dont les auteurs ont su créer des espèces inexistantes et complètement imaginaires, émerge un monde fascinant qu’il est nécessaire de bien assimiler pour en comprendre les subtilités. Nous savons que les deux auteurs se sont également inspirés des religions, de la mythologie, notamment avec la notion de destinée, mais ceci fera l’étude d’une autre analyse. Cependant, à bien y regarder, la nature à une dominance indéniable dans ces deux univers, même si pour Tolkien celle-ci fait partie intégrante avec l’histoire, elle reste très indispensable pour J.K Rowling et l’évolution de ses personnages. La nature permet toujours à ce que les protagonistes se sortent de situations plus ou moins contraignantes et délétères, mais parfois elles les mettent à mal aussi. Tout comme l’espoir qui s’oppose au désespoir, la nature bienveillante va s’opposer à celle malveillante. Mais pour bien appréhender ces deux œuvres et leur similitude au niveau de la nature, il convient tout d’abord de faire un point rapide sur ce que c’est.
La nature regroupe l’ensemble des espèces animales (l’homme en fait partie), végétale, (être vivants), ainsi que le milieu dans lequel ils se trouvent (minéraux, continents, mers, montagnes), et qui évoluent dans l’univers. Elle est souvent associée à l’environnement, la forêt ou les rivières. Mais la nature a aussi une constance philosophique qui englobe les caractères, les particularités, les propriétés qui définissent un être, et qui permet de connaître la nature exacte de son action. C’est un peu son âme, son aura. Elle peut donc être palpable ou non, visuelle, ou non. Dans l’univers de J.K Rowling, tout comme dans l’œuvre de la Terre du Milieu de J.R.R Tolkien, la nature est essentielle à l’histoire. On ressent au fil des pages une inspiration qui fait corps avec l’histoire et avec des valeurs profondes de respect et de protection de celle-ci, ils mettent aussi en valeur les dangers liés à sa destruction et abordent facilement le côté sombre de l’humanité qui ne prend pas assez soin de cette nature que l’on côtoie chaque jour.
J.K Rowling fait évoluer ses personnages dans deux univers : le monde des moldus, le monde des sorciers. Mais la barrière entre les deux “mondes” est fine, si bien que la “nature” du monde magique va s’insinuer progressivement dans le monde Moldu. Cette approche de l’auteur est mise plus en avant dans la saga cinématographique Les Animaux Fantastiques où ses caractéristiques magiques créent des tracas, des catastrophes dans le monde moldu. En revanche, pour Tolkien, la Nature englobe toute sa conception de la Terre du Milieu et chacun y est à sa place.
Dans chacun des deux univers nous trouvons donc la nature sous forme magique, avec premièrement des espèces magiques telles que les Mandragores, dont la racine permet de créer des sortilèges et antidotes puissants, pour Harry Potter – les Ents, arbres ayant leur sensibilité, qui ne sont pas représentés comme des humains, pour l’univers du Seigneur des Anneaux.
Nous découvrons également des paysages atypiques telle la montagne du Caradhras qui a sa propre conscience et qui va ralentir sciemment l’ascension des héros avec de la neige, dans le Seigneurs des Anneaux. Pour Harry Potter, ce sera la Forêt interdite avec Aragog, une Acromentule géante, capable de penser et d’intelligence, qui nous rappellera Arachné dans l’univers de Tolkien. Pour chacun de ces lieux où vivent des créatures plus magiques les unes que les autres, que cela soit pour Rowling ou Tolkien, on constate qu’elle a ses propres valeurs et ses propres codes et elle se fond dans l’histoire comme étant un personnage à part entière.
La nature est aussi représentée dans des endroits que les protagonistes aiment particulièrement, dans certains personnages aussi. Prenons exemple de la cabane de Hagrid dans Harry Potter, qui vit au bord de la forêt interdite, dans une cabane, il n’a pas peur d’y aller, il vit en harmonie avec la nature qui l’entoure et va même jusqu’à adopter une Acromentule, un dragon. Il ne voit pas le danger. Il ressemble étrangement à Tom Bombadil, du Seigneur des Anneaux, homme trapu, barbu, vivant en harmonie dans la Vieille Forêt, également dans une cabane. Celle-ci ne lui appartient pas, tout comme la nature n’appartient pas à Tom, il y vit respectueusement. Hagrid en fait de même. Nous trouvons aussi des personnages légendaire tels que les centaures, avec Firenze (Harry Potter), ou les elfes, comme Legolas (Le Seigneur des Anneaux), qui ont la sagesse et écoutent la nature, les “signes” et vivent en harmonie avec elle.
Mais la nature n’est pas que animale, végétale, minérale, elle peut être aussi liée à des valeurs et mise à mal par ceux dont la noirceur vient chambouler l’équilibre. Elle peut être magique aussi et cette magie comporte également deux facettes qui vont être influencées par des mécanismes ressemblant plus à des ”machines” robotiques sans âme, sans amour. Si nous prenons en compte l’univers de Harry Potter, nous y trouvons une nature sombre, qui va à l’encontre de la luminosité de celle-ci mise en valeur précédemment.
Il y a les Acromentules que nous retrouvons dans les deux ouvrages : comme le dit si bien Ron Weasley dans le second opus, Harry Potter et la chambre des secrets : “Suivez les araignées… Pourquoi cela ne pouvait-il pas être : suivez les papillons ?” En effet, ils auraient peut-être mieux fait mais nous n’aurions pas découvert cette magistrale créature qu’est Aragog, l’Acromentule. Tout comme Arachné, l’Acromentule du Seigneur des anneaux, Aragog est géante, affreuse et maligne. Elle se terre dans un endroit sombre et souhaite déguster ardemment Harry Potter et Ron Weasley, mais elle ne part pas en chasse, elle attend également comme Arachné que des imprudents viennent se perdre dans son repaire. Toutes deux n’aiment pas la lumière qui les repousse. Les héros des deux histoires utilisent pour Harry Potter : le sortilège d’Arania Exumai créant une lumière vive ; et pour Frodon la fiole Luminescente de Galadriel.
Il y a aussi les détraqueurs (Harry Potter) et les Nazgûl (les Seigneurs des anneaux) : deux créatures qui se ressemblent de part leur manque d’âme, soumis à leur maître. Il est difficile de ne pas observer la ressemblance entre ces deux créatures fantastiques. Que ce soit les détraqueurs ou les Nazgûls, ce sont des spectres squelettiques, qui n’ont aucun état d’âme, ni vivants, ni morts, possédant une cape noire et sombre. Elles ont été toutes les deux conçues par des mages noirs en utilisant les humains. En effet, les Nazguls sont à l’origine des rois hommes qui furent soumis au pouvoir des anneaux par Sauron. Quant aux détraqueurs, ils furent créés par Ekrizdis qui tortura les moldus qui osèrent pénétrer sur l’île d’Azkaban. Ces créatures sont capables d’infliger des blessures mortelles : baiser du détraqueur ou La lame de Morgul pour les Nazgûls qui laissent la même blessure dans la chair, celle d’assécher le cœur, faisant référence à la dépression qui hélas ne guérit jamais véritablement. Leur objectif semble le même : Ces créatures aiment particulièrement suivre et s’attaquer à leur protagoniste commun et sont dévouées à leur antagoniste, car dès que celui-ci revient en force elles le rejoignent et sont soumises à lui. Lorsque ces deux créatures apparaissent, la nature devient terne, morte, froide, glacée, sans vie. Les détraqueurs ôtent tout le bonheur et la joie, les Nazgûl pervertissent avec leur lame l’essence même de celui qu’ils atteignent. Les détracteurs peuvent être repoussés par le sortilège du Patronus, une lumière vive éclatante, les Nazgûls furent anéantis lorsque l’anneau unique fut détruit par la lave de la Montagne du destin, et leur chef par Eowin, une femme.
Mais qui dit nature, dit aussi la perversion de l’âme des hommes. En effet, si l’on prend en compte leurs agissements qui viennent détruire cette nature bienveillante le plus souvent, comme Saroumane, dans le Seigneur des Anneaux qui abrita les Orques et les Uruk-hai en Isengard, détruisit la nature, en concevant des forges pour l’armée de Sauron ou y découvre leur opposition. Celle-ci symbolise la perversion de l’âme humaine au profit du pouvoir, mais celle-ci va être mise en échec par la nature elle-même qui va se rebeller, détruire ses forges et le renverser. Il en est de même pour Harry Potter, qui va affronter un ennemi hors du commun, capable de se dénaturer l’esprit, son physique et séparant son âme en 7 parties. C’est l’essence même qui est contraire au bien-être de la nature, une harmonie, une sensation de bonheur qui en émane. Où passe Voldemort, la nature est détruite, anéantie, utilisée à ses propres fins, tout comme Saroumane en profite également.
Enfin, cette nature est présente au sein même de la magie qui compose ces deux ouvrages et qui fait corps avec elle. Pour Tolkien la magie est puissante, lumineuse, elle fait partie intégrante des principaux éléments tels que l’eau, la terre, le feu, l’air. Elle intègre chaque parcelle de la nature végétale et animale, il met en avant cette nature en la mettant face à la folie destructrice des antagonistes, des monstres qui la détruisent pour un simple profit de domination de puissance et de destruction. Mais au final, elle remporte la victoire. Il en est de même pour J.K Rowling, plus subtile, car pour elle la nature fait partie intégrante de son univers et elle est dénaturée par la conception des Horcruxes, cette magie noire qui pervertit l’âme de Voldemort et le porteur de l’Horcruxe, Harry Potter et Ron Weasley, comme l’anneau a perverti Sméagol en le faisant devenir Gulum, puis Frodon. Est-ce que J.K Rowling s’est inspirée de l’univers de Tolkien et de sa conception de la nature ? Possible. Un point identique émerge entre ces deux ouvrages, le respect et l’équilibre de la nature qui est essentielle pour l’utilisation de la magie. Sans cet équilibre la magie est sombre, noire, pervertie, elle détruit tout, annihile tout, mais face à elle, elle trouve toujours cette magie “Blanche”, comme celle que Lily, la mère de Harry Potter fit, pour le protéger de la mort et de Voldemort.
Il est donc juste de penser que des similitudes ou influences Tolkienesques ont été à l’œuvre dans la façon dont J.K Rowling a construit cet univers. Aussi maintenant, il serait intéressant de se pencher sur la destinée qui incombe au protagoniste et de soulever une question simple : savoir si le destin est une fatalité ou bien un moyen de s’élever et d’avancer dans une vie qui met sans cesse à l’épreuve l’humanité ? Est-ce que Tolkien et J.K Rowling ont la même manière de concevoir cette destinée pour leurs personnages, leur histoire ?
Voici quelques interrogations auxquelles nous tenterons de répondre. Aussi, rendez-vous pour découvrir la fin de notre analyse sur les similitudes Tolkienesques dans le prochain article.
Emma, Hibou, et Moony de la plume de Poudlard.
Sources :
Harry Potter, Gallimard tome 1 à 7, 1997-2007
Le Seigneur des Anneaux tome 1 à 3, livre de poche, édition 1954-1955
Le Hobbit, 1937, livre de poche
Le Silmarillon (juste citation), 1977, édition à titre posthume
Oeuvre cinématographique : Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, 2004
Oeuvre cinématographique : Le Seigneur des Anneaux, la communauté de l’anneau, 2001
https://bit.ly/3rzytct, https://bit.ly/3EHDsNs, https://bit.ly/3ka0Slm