[ANALYSE]
Harry Potter : Inspiration ou Similitudes Tolkienesque
Partie 4 : La destinée est-elle toujours une fatalité ?
Est-ce que la destinée est une fatalité ? Nous allons tenter d’y répondre au travers de ces deux univers que sont Le Seigneur des Anneaux et Harry Potter qui, de par leur fil conducteur, s’attachent à jouer avec cette notion pour en faire ressortir une dimension philosophique plus complexe qu’il n’y paraît.
Nous pouvons dire que dans ces deux œuvres rien n’est acquis, et tout peut basculer d’un seul coup. La plupart du temps la destinée des protagonistes, qui vont nous servir d’étude dans cette partie, peut sembler fatale, dure à vivre et tragique. Cependant, quand on arrive à la fin de l’ouvrage, nous constatons que cette destinée ressemble plus à la vie que chacun peut vivre, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses malheurs et que, fatalement, elle nous met à l’épreuve. C’est une sorte de fil invisible sur lequel marche les personnages. Cependant au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, ce fil peut se briser, s’effilocher ou dévoiler un autre chemin à emprunter.
Que cela soit dans l’univers de Tolkien ou de J.K Rowling, la force des auteurs est de nous “surprendre” par la destinée de chacun des personnages qui sont liés entre eux, soit par une prophétie ; celle de l’élu pour Harry Potter par exemple, celle de l’anneau unique pour Le Seigneur des Anneaux ; ou par leur lien indéfectible qui se crée entre eux : Sam Gamegie et Ron Weasley les deux amis fidèles des protagonistes, ou Gandalf et Dumbledore les deux magiciens qui guident les héros dans leur quête.
Tout ceci amène à un état émotionnel qui fait que l’on apprécie ou pas l’histoire puisque celle-ci est conçue pour nous chambouler, nous faire vibrer mais aussi nous interroger et nous faire ressentir des émotions pouvant aller de la joie à la colère, vers le chagrin et l’acceptation.
Comme nous l’avons vu précédemment, le protagoniste de chaque univers est un être complexe, innocent au début de l’histoire, à qui il est “arrivé de mauvaises choses”. Il va devoir accomplir sa destinée, ce pour quoi il vit, ce pour quoi l’histoire prend forme. Que cela soit le personnage Frodon Sacquet de Tolkien, ou bien Harry Potter, de J.K Rowling, le protagoniste va devoir atteindre un but ultime qui permettra de mettre fin à l’injustice, au malheur et à la destruction. Il devra : “sauver le monde” en quelque sorte. Il est vrai que c’est un thème souvent utilisé en littérature et cinématographie, mais cela fonctionne à merveille car l’univers qui est créé par les deux auteurs nous transporte de notre quotidien quelque peu “normal” vers un monde unique, magique, complexe. Ils transposent ainsi et abordent des sujets réels que tout être peut vivre dans sa vie.
Pour Tolkien, il est nécessaire donc de “sauver la Terre du Milieu des agissements et manœuvres sournoises de Sauron. Pour J.K. Rowling de sauver le monde des sorciers (et accessoirement celui des moldus) des griffes de Lord Voldemort. Le tout avec une histoire attachante, avec des animaux, personnages imaginaires ou issus des contes et légendes d’autrefois.
Mais quand est-il de leur destinée ?
Pour Tolkien, Frodon devra détruire un anneau de pouvoir qui contrôle les âmes, et exerce une domination sur celui qui le porte. Cet anneau est démoniaque et quelque part “vivant” puisqu’il reflète l’âme de l’antagoniste Sauron, réduit à un grand œil, après la perte de son enveloppe charnelle, qui voit tout, puisqu’il n’a plus de forme humaine. Le fait de détruire cet anneau permettrait de faire disparaître ce mal. Mais quel prix Frodon va devoir payer ?
Même si nous remarquons que Frodon semble disposé et résigné à accomplir sa destinée, on constate au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, que celui-ci va être en proie à des tourments inimaginables. En effet, seul Sam Gamegie, son fidèle ami, le remarque et tente de le protéger, de le lui dire aussi, même si Frodon ne l’accepte pas. Plus celui-ci avance dans sa quête, plus le mal le ronge de l’intérieur et anéantit son âme et son apparence qui était autrefois joviale et lumineuse. Il arrive au terme de l’histoire à nous apparaître sombre, fatigué aussi de tout ce qu’il a vécu, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Mais il accepte sa destinée et l’embrasse, même s’il pense qu’elle va lui coûter la vie. Cependant, Frodon n’accomplit pas réellement sa mission, car sans Sam Gamegie son fidèle ami Sauron aurait vaincu. En effet, Sam a su garder son pouvoir d’action, tandis que Frodon lui, fut submergé au final par la fatalité et à son libre arbitre. L’auteur nous montre finalement que ceux qui se bercent dans l’illusion d’un destin ou dans l’idée de fatalité, sont faibles et qu’ils ne peuvent résister au pouvoir de l’anneau. A contrario, il met en avant que seuls les êtres ayant l’esprit libre, comme Sam, gardent jusqu’au bout leur liberté d’action. Pour Tolkien ce sont ces Hommes là qui seront en mesure d’accomplir la mission pour détruire à jamais la domination de l’anneau sur le monde. Sam en portant Frodon sur son dos jusqu’à la montagne du destin le démontre. Finalement l’anneau est détruit, en même temps que Sméagol, dont l’esprit était entièrement soumis à l’anneau, mais Frodon, lui ne perdra qu’un doigt et c’est sa récompense pour recouvrir sa liberté de penser, et il pourra, à la toute fin de la trilogie, accompagner les elfes sur les terres immortelles.
Pour Harry Potter, J.K Rowling nous présente un jeune garçon sensiblement identique. Même s’il ne vit pas des moments heureux en compagnie des Dursley, il reste un garçon vivant, avec une envie de découvrir ce qu’il va lui arriver quand il va intégrer Poudlard. Il ne prend pas conscience du danger qui rôde. Il ne sait pas encore ce qui le lie à Voldemort, il faudra pour cela attendre le septième tome. Aussi quand il comprend qu’il devra mourir des mains de Voldemort pour détruire l’Horcruxe présent en lui, il l’accepte, se résigne et accomplit son devoir. Ceci est différent par rapport à Frodon, il garde totalement son libre arbitre, sa valeur, sa moralité et son esprit reste intactes, malgré le fait qu’il ressent en lui une part de Voldemort. Nous savons que la fin n’est pas une fatalité pour Harry Potter, puisqu’étant maître de la mort, il ne pourra mourir, et que comme nous le décrit si bien le dernier ouvrage il a un choix à faire, rester où il est et avancer ailleurs, prendre un train, après que Voldemort l’a tué, ou retourner auprès de ses amis et affronter une dernière fois son pire ennemi. Bien évidemment, Harry Potter choisira le second choix et naturellement gagnera son combat, or comme Frodon, il perdra son innocence. Il sera à jamais changé par toutes les épreuves qu’il va avoir vécu et le jeune garçon insouciant du début de l’œuvre, deviendra un adulte qui s’adapte à ce qu’il aura vécu.
Les auteurs nous dépeignent donc une destinée tragique pour leurs protagonistes. Cette destinée semble fatale, au fur et à mesure qu’ils avancent dans l’histoire. Plus on s’immerge dans le récit, plus nous découvrons des situations qui nous renvoient parfois à notre existence. La mort, la vie, la naissance, la rencontre avec des personnes antipathiques, limites sournoises, mais aussi des protecteurs, des bienfaiteurs, des personnes que l’on aime, qui nous aiment mais que l’on ne peut et ne souhaite pas perdre.
Ces auteurs ont su créer un antagoniste cruel, démoniaque, dépourvu tout simplement d’humanité, d’amour. Voldemort, l’ennemi d’Harry Potter est monstrueux. C’est l’être abject par excellence, tout comme le Sauron de Tolkien l’est ; il n’a aucun amour en lui, aucune conscience de ce qu’il est réellement. Il est également le symbole du mal incarné, tout ce qu’il touche, il le détruit. Tout comme Sauron, il veut être le plus puissant, celui que l’on craint, le maître incontesté de tous. L’un est représenté comme un serpent sournois s’infiltrant dans les pensée, créant des horcruxes en divisant son âme en 7 parties, l’autre comme étant un grand oeil qui voit tout, qui n’a pas de forme “physique”, dominant autrui grâce au pouvoir de l’anneau.
Or pour que nous puissions appréhender la fatalité de la destinée des héros, les auteurs nous présentent alors diverses histoires, qui vont nous permettre de comprendre pourquoi seuls eux peuvent réussir ce pour quoi les auteurs les ont créés.
Que ce soit Harry Potter ou Frodon, ils savent qu’ils vont devoir se battre, voire y laisser leur vie. Mais pourquoi devraient-ils le faire ? Tout simplement parce qu’il y a des choses pour lesquelles l’on doit se battre : l’amour, l’amitié, la vie, la nature, tout ce qui fait la vie d’un être humain, et quelque part la vie est ainsi faite.
J.K Rowling crée donc un univers complexe avec des histoires uniques qui s’emboîtent comme un puzzle. Petit à petit, le jeune garçon insouciant, du placard sous l’escalier, fait place à l’adolescent qui remarque certaines similitudes avec son ennemi. Tout comme pour Frodon, les choix de Harry Potter remettent en question ce qu’il pensait de la réalité. Ses choix lui montreront que la douleur est présente et qu’elle est là pour une bonne raison. Il s’interroge sans cesse, ne sait pas réellement s’il fait le bon choix, mais le fait quand même. Tout comme Frodon, Harry Potter laisse place à l’adulte résigné face à sa destinée. Il devra l’accomplir seul, car il est celui qui doit porter ce fardeau. Personne ne peut comprendre ce qu’il ressent et personne ne peut le faire à sa place : Sam Gamegie le dit fort bien dans Le Seigneur des Anneaux : le retour du roi : je ne peux le porter pour vous, mais je peux vous porter vous.
Ces deux auteurs ont su nous présenter des héros, qui, même sans s’en rendre compte au premier abord, ont des similitudes physiques, émotionnelles et sociales et un fil conducteur identique, même si l’histoire en elle-même diverge. Bien que les auteurs ont su jouer avec les émotions des lecteurs et / ou spectateurs des deux univers, en créant une histoire complexe, celle-ci finit bien. Mais à quel prix ?
Frodon et Harry ne pouvaient pas deviner ce qu’il se passerait mais ils accomplirent leur mission malgré les douleurs et leur lot de perte, même s’ils présentaient qu’à la toute fin ils ne seraient plus jamais les mêmes, même s’ils devaient mourir.
La destinée des héros n’est ni plus ni moins, à la fin, qu’un commencement d’une autre vie pour eux. Les auteurs ont donc réussi à nous faire vibrer sur des valeurs simples, humaines et qui posent cette question ultime, qu’est notre destin face à la fatalité de notre existence, lorsque, face aux épreuves de la vie, nous devons prendre des décisions qui influent alors sur leur dénouement.
Pour conclure cette analyse qui s’est déroulée sous la forme de 4 articles, il est vrai que des similitudes apparaissent dans les œuvres, de Tolkien ou de J.K. Rowling. Chacun de ces deux auteurs ont également puisé dans les mythes et contes de l’histoire de l’humanité. Aussi, il est normal que certains points communs nous semblent identiques.
Cependant, J.K. Rowling a pu également s’inspirer de l’œuvre magistrale de Tolkien qui fut écrite environ une trentaine d’années avant Harry Potter. Nous savons que Tolkien, encore aujourd’hui influence de part son œuvre magistrale de nombreuses œuvres (Game Of throne de Martins en fait partie) et reste le référent dans le domaine du fantastique. Mais il n’empêche qu’on ne peut pas remettre en question le fait que malgré des similitudes dans la conception du fil conducteur de l’histoire, des personnages ou autres lieux, J.K. Rowling a su créer un monde unique bien différent de Tolkien permettant de nous faire voyager et vibrer différemment.
Emma, et Moony de la plume de Poudlard.
Sources : wikipédia : https://bit.ly/2YuB89u, https://bit.ly/3rzytct, https://bit.ly/3OivE9h
Cultura : https://bit.ly/3KSUTNq
Gallimard : https://bit.ly/3xyIIBn